La passion, tout simplement.

Journal de bord d’une novice (ou presque) – jour 5
Championnats du monde 49er et 49er FX, 2013 Marseille

« Serrez-vous, un peu de sérieux s’il vous plaît ! Ca fait 20 minutes qu’on essaye de la faire cette photo. Allez, 1, 2, 3… attendez mais, où est Eliane ? »

Il est 10h40 au 4ème jour de course des ces championnats du Monde de 49er et 49erFX au Stade nautique du Roucas Blanc. Tous les bénévoles et le staff d’organisation s’étaient donnés rendez-vous à 10h pour la photo de famille. On rigole et on se chahute comme des écoliers pendant que Pierik, le photographe officiel de l’événement, presse le déclencheur de son appareil . « Cheeeeeese !!! », l’instant d’après, chacun reprend son poste fissa. Le vent semble moins capricieux qu’hier, et le programme sportif s’annonce chargé : plus de 20 manches à lancer sur les 3 zones de navigation pour les 150 équipages participants, répartis en 6 flottes. Sur le parking, entre staff et concurrents, on dirait une fourmilière qui me fait grande impression. Chacun s’attelle à sa tâche, les visages sont concentrés, les gestes précis, les conversations techniques et concises.

Mais d’où vient ce professionnalisme alors qu’il y a 10 minutes encore, on se serait cru en sortie de classe à Disneyland ? Qu’est-ce qui fait courir ces bénévoles super-efficaces ?

« La passion, tout simplement. » me répond en souriant sous sa barbe Jean-Pierre, membre du comité de course. Même réponse de Nathalie et Jean-Luc, respectivement contrôleur qualité dans le Var et prof d’EPS en Charente-maritime, qui ont pris des jours de congés pour assurer leurs fonctions pendant cette compétition de haut-niveau. Avec les autres arbitres, ils partent sur l’eau, suivis de près par leur assistants « mouilleurs » de bouées de parcours et « viseurs » de ligne d’arrivée/départ… tous bénévoles.

Une fois en mer, ils sont en liaison permanente avec le « PC Course » qui enregistre les résultats et s’assure que les informations soient communiquées aux participants à terre. Une mission stratégique, assurée avec le calme olympien et l’humour flegmatique de Marc (consultant en informatique) et Danielle (retraitée), à qui revient la charge d’éditer les classements au fur et à mesure de la course. En fin de journée, quand l’activité s’intensifie avec le retour des flottes à terre, ils sont rejoint par l’autre Marc, formateur professionnel, qui enchaîne après une journée de 7h de cours de maths ou de géographie. Ce soir, à cause des 16 réclamations déposées par les concurrents entre eux, ils finiront de mettre à jour le classement à 22h passées…

Pendant ce temps, Fanny, bénévole « voltigeuse », en recherche d’emploi, est partout où on a besoin d’elle : lundi à l’inscription des participants, mardi au collage d’affiches, et aujourd’hui elle joue les VRP en appellant tous les centres de loisirs de Marseille pour les inviter à venir profiter des animations de ce week-end. Bernard, responsable de la pêche au canards, aimerait d’ailleurs bien voir un peu plus de petits marseillais y participer, et pas seulement ces grands enfants que sont les régatiers, plaisante-t-il.

A la buvette, Christian (lui aussi a pris une semaine de congés à l’Hôpital Paoli-Calmette où il travaille) et Jean-Marie semblent avoir fait ça toute leur vie. « Je suis bénévole depuis que je connais Christian (Tommasini, le président charismatique de l’YCPR, ndlr), c’est à dire depuis toujours. Je suis là par amitié, alors quand on aime… ». Et en effet, avec une amplitude horaire de près de 10h par jour  – le village est ouvert au public de 10h à 19h -, ils ne comptent plus leurs heures.

Christian Tommasini justement, Président depuis 15 ans de l’YCPR, en voilà un exemple qui illustre cet engagement passionné dont font preuve tous ceux que je croise depuis le début de cette semaine. Courtier maritime, il consacre près des ¾ de son temps libre à son club fétiche, dont il reconnaît assumer les fonctions de directeur opérationnel plus que de président « bénévole ». C’est peut-être bien lui la locomotive des ces bénévoles bien loin du cliché du retraité vendeur de tickets de tombola.

Nous sommes interrompus par Fred, fringuant pilote du bateau « presse », qui revient à terre après avoir embarqué les journalistes et photographes pour la dernière manche de la journée. Quand j’apprends qu’au civil, il travaille dans la finance, je ne peux m’empêcher de pouffer en l’imaginant en costume-cravate, le visage barré par la marque blanche de bronzage laissée par ses lunettes de soleil.

Je file alors au PC de course, retrouver Marc, ma principale source d’information pendant les manches, qui dans l’ambiance électrique d’une fin de journée de demi-finale de championnats du monde me livre les résultats  : les français Dyen et Christidis sont 4ème au général, suivis par Delpech et d’Ortoli, 7ème. Mais suite à une réclamation qui fait disqualifier les danois Warrer et Lang, ils remontent à la 2ème et la 6 place ! Tandis que les filles Stayaert et Boussard se placent 2ème en 49er FX !

Je me souviens que cet ingénieur qualité et sa coéquipière, professeure des écoles « dans la vraie vie », m’avaient d’ailleurs confié plus tôt dans la semaine qu’elles rêvaient de naviguer à temps plein, et pas simplement sur leur temps « bénévole »…

Voilà qui me donne envie d’en savoir plus désormais. Demain j’irai voir d’un peu plus près ce qui fait courir ces coureurs, et quels sont ceux qui arrivent à en vivre.

Avec les 25 nœuds de vent prévus au plus fort de la journée, qui paradoxalement risquent de clouer la flotte à terre exactement comme la pétole d’hier, il se peut que j’aie pas mal de temps pour recueillir leur témoignages.

D’ici là, venez-nous voir au stade nautique (ou suivez le live sur Internet), il va y avoir du spectacle !

Flavia

Lire le journal de bord des jours précédents :
Lundi : “Journal de bord d’une novice (ou presque)”
Mardi : “Et c’est parti pour le show !”
Mercredi : “Derrière le rideau”
Jeudi : “La guerre des nerfs” 

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