La guerre des nerfs

Journal de bord d’une novice (ou presque) – jour 4
Championnats du monde 49er et 49er FX, 2013 Marseille

Ciel de plomb, atmosphère moite et vent aux abonnés absents : ce 3ème jour de course s’annonce long. Hier déjà le manque de vent avait arrêté la course d’une partie des filles en 49er FX, leur faisant prendre du retard pour obtenir le nombre de manches nécessaires aux qualifications des « ronds » or, argent, et bronze (voir explication ici)… Mais la manche que tout le monde garde à l’esprit et commente ce matin, c’est l’incroyable « match de la mort » de l’America’s cup hier, diffusé en live sous la grande tente du village. Ce matin il est beaucoup question de la défaite des Kiwis, et on compatit avec le probable craquage mental du skipper Dean Barker.

C’est l’excuse parfaite que j’ai choisie aujourd’hui pour aller sonder le mental de certains de nos frenchies

11h, les drapeaux sont en berne et encore une fois, la course est retardée à cause de cette satanée pétole qui l’emporte sur le thermique… 4 nœuds de vent en moyenne, des pointes de vitesse à 7 nœuds pour ces bateaux qui peuvent assez facilement atteindre les 20 nœuds, autant dire que sur l’eau, c’était la guerre des nerfs.

Les filles, appelées en mer dès 13h, ont patienté longtemps avant de prendre un premier départ au ralenti, et d’être bientôt stoppées par un plan d’eau digne du Lac Léman en plein mois d’août. Le thermomètre grimpe mais les concurrentes gardent la tête froide : on patiente, certaines se baignent carrément, des coachs sortent les parasols, et ces championnats du monde prennent des airs de villégiature méditerranéenne. Une très légère brise se lève, finie la rigolade, et les 49er FX parviennent à enchaîner deux manches, plus une de rattrapage pour la flotte « bleue », avec qui le vent avait déjà joué les arlésiennes hier en fin de journée. De cette 6ème manche depuis le début de la compétition, les filles rentrent épuisées. « C’est presque plus fatiguant qu’une sortie dans du vent fort, me confirme Lili, 34ème au classement général et 2ème française, avec ce vent là on est très concentrées à la fois sur l’équilibre (précaire) du bateau et au reste de la flotte, la moindre petite erreur dans ces conditions peut nous coûter des dizaines de places, sans blague ! » Malgré tout, Lili et sa coéquipière Violette sourient : « on a tellement peu d’heure de navigation à notre compteur que chaque bord compte pour gagner en expérience et monter en niveau tout au long de cette année, notre première dans le circuit. ». Même zen-attitude du côté de Julie et Sarah, mes petites françaises abordées complètement par hasard le premier jour. Elle n’a pas tort, si j’en crois le classement général du jour

Chez les boys, en attendant que les filles courent (et libèrent le plan d’eau), l’ambiance est plus que détendue à terre. L’équipe de Nouvelle-Zélande, parmi les meilleures mondiales, tape le carton. Les allemands font leur show avec une parodie d’Alerte à Malibu dont tout le monde parle depuis le matin. D’autres observent le plan d’eau, placides. C’est le cas de Manu, équipe de France et 10ème au classement à ce stade, sélectionné aux derniers JO avec son compère Stéphane, qui aborde cette nouvelle année (sa 13ème en 49er!) avec la philosophie d’un vieux sage. « L’agressivité, la tension, les coups bas ça n’existe pas trop en 49er. On se connaît tous très bien, à force de compétitions mais aussi d’entraînements communs, on devient potes, alors l’ambiance n’est pas la même, y compris sur l’eau. » D’autant que, comme il me l’explique, pour beaucoup l’enjeu des compétitions de cette année est plutôt financier : « Finir parmi les 8 premiers mondiaux nous assure une place en équipe nationale, et alors tous nos frais seront pris en charge. Autrement, ça devient plus compliqué… »

La médaille d’or de la décontraction made in France revient à Mathieu, étonnant « coach à bord » au look rock’n’roll, qui forme Cédric, 21 ans, en étant son équipier pour ces mondiaux. Le plus dur pour ce dernier n’est pas la pression de l’entraîneur dans son champ de vision permanent, mais celle de courir sur le même parcours que des stars dont il est fan : Nathan Outteridge ou encore Ben Rhodes, le britannique multiple-médaillé mondial, que Cédric a quasiment poussé à la faute lors d’un départ maladroit la veille. « J’avais peur qu’il vienne me voir au retour à terre pour m’engueuler, comme ça se fait habituellement dans ce cas, mais finalement il a vu que j’étais tellement gêné et novice, qu’il m’a même souri », confesse Cédric. Il faut dire que Mathieu est connu dans le circuit pour ses méthodes d’entraînement, lui qui, en guise de préparation mentale, joue aux échecs avec ses poulains. « Le mental, c’est 20% d’une course, relativise-t-il, mais c’est vrai qu’avec les écarts de niveau et d’expérience qu’il y a ici, c’est une donnée subtile avec laquelle il faut faire, inévitablement ».

Ce que personne ne me dit en revanche, c’est que jusqu’à aujourd’hui, 3ème jour de course par vent faible, les manches ne sont pas vraiment encore déterminantes pour le classement général. Mais à partir de demain, et surtout, samedi, nous entrerons dans la phase finale, avec des « medal race » prévue par… 25 nœuds de vent d’Est! L’ambiance sera-t-elle toujours aussi rose que le lycra de Mathieu ? Les paris sont ouverts !

A demain, où magie de la technologie, les manches seront retransmises en live-streaming sur http://www.dailymotion.com/49ERSWORLDS2013 !

Flavia
qui continue de live-tweeter en français sur @YCPR_MRS et en anglais sur @Int49er pour les geek que ça intéresse…

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